Saison 2009/2010

DU 9 AU 17 JANVIER 2010/ Approche en défiguration

Reprise du 18 au 20 juin 2010
 
 

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Interprétation
Cyril Dubreuil

Création lumière
Louise Gibaud

Musique
Damien Lehman
 
 
 
En coréalisation avec Le Colombier, La Cie en Déliaison présente
 
UNE SAISON EN ENFER
d'après Arthur Rimbaud
Mise en scène Jean-Paul Rouvrais
 
 

À la lecture d'« Une saison en enfer »

un mot nous traverse souvent l'esprit, mot qui illustre bien ce texte : danse. Nous rappelant à notre organicité, notre genèse, Rimbaud nous engage à nous couper d'un rapport trop sentencieux à la langue et au sens, à nous extraire d'une vision trop explicite pour descendre et plonger dans les affres du corps afin de nous dessaisir, nous ressaisir dans la matière qui nous produit. C'est depuis ce lieu que nous réussirons à nous dé- subjectiver afin de sentir en nous un nombre infini, indéfini de Je, comme une naissance illimitée de soi.
Ce que nous voulons rejoindre c'est cette aptitude naturelle du sujet Je à toujours être un autre, à être sa propre matière et à se produire toujours depuis celle-ci. Parce que Rimbaud fait le choix non pas d'écrire, mais de se laisser écrire, il devient voleur de feu, voyant, il atteint : la raison merveilleuse.

 

défiguration - Francis Bacon

En défigurant le corps et la langue nous cherchons à retrouver quelque chose de ce mouvement. La peinture de Francis Bacon nous a semblé être un des moyens pour y parvenir. Pour déformer, défigurer, Francis Bacon esquisse toujours une figuration. Sur cette figuration il projette une poignée de peinture, et, c'est depuis l'impact accidentel de ce jet sur la toile qu'il amorce sa défiguration. Mais comment traduire ces jets de peinture sur le corps de l'acteur, corps qui devient le lieu de la figuration et du voir ?
Nous avons travaillé sur le symptôme ; le symptôme semblable au jet de peinture chez Bacon. Le tic, le bégaiement, le trou de mémoire, le sommeil, le vomissement nous ont offert des possibilités d'exploration dans cette aventure. Depuis ce corps défiguré par ces symptômes, ces accidents, l'acteur laisse remonter à son esprit et dans sa bouche la prose du poète. Jamais nous n'avons anticipé sur le choix d'un passage du texte pour l'une des défigurations. Les mots ont toujours jailli seuls, comme impulsés par la défiguration et progressant au rythme de celle-ci.

 

Ce spectacle est le spectacle d'une expérience

Nous défigurons le corps pour tenter de faire naître un corps sans organes, un corps d'acteur capable d'entraîner la langue dans des profondeurs inconnues avec l'espoir de faire émerger ce qu'Artaud appelait la parole sous les mots.
Le corps et la langue ainsi défigurée obligent le spectateur à se déplacer dans son écoute. Le processus de défiguration comme l'émergence des Figures agissent sur lui de façon immédiate, dans une communion viscérale. Un corps à corps s'opère entre l'acteur et le spectateur, une communication de système nerveux à système nerveux.

 

bouleverser le spectateur dans son écoute

Ce qui nous importe ici c'est de bouleverser le spectateur dans son écoute. De le fissurer dans son être là afin de le déplacer dans son fonctionnement, afin de l'expatrier en dehors de ce corps organisé par la famille, l'école, le travail, la télévision, la société, etc. À la violence du représenté le sensationnel, le cliché, nous opposons la violence de la sensation. Une réappropriation de la sensation par la sensation pour générer du vivant dans des corps étroits, claquemurés ; pour que le spectateur puisse se réapparaître dans son mouvement. Par ce corps d'acteur défiguré, ce corps devenu bloc de viande, bloc de désir, la langue du poète et les spectateurs sont entraînés dans des espaces inconnus par un dérèglement de tous les sens.
Quelque chose opère chez le spectateur comme chez l'acteur. Ensemble ils avancent dans ce tableau qui se fait qui se défait ; ensemble ils rendent visible et sensible la force du Temps, l'éternité du Temps ; ensemble ils dessinent comme l'écrit Alain Milon la cartographie d'un espace incirconscrit et transformable à l'infini.

 

la langue

Il nous intéressait de voir comment la langue réagirait une fois prise dans l'étau de la défiguration. Est-ce que l'énonciation serait lente ou rapide ? Saccadée, morcelée, étirée ? Quels espaces elle ferait naître ? Comment se placerait la voix ? Quel grain aurait celle-ci ? Prise dans l'étau de la défiguration, la langue opère des sauts, les mots se déplient et laissent entrevoir des sonorités cachées, des sens voilés. Avec ces chaos opérés dans la langue nous retrouvons le mouvement même de la musique rimbaldienne, mouvement qui lui permettait de « tendre des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile ».

 

Production // La Compagnie en Déliaison avec le soutien de L'apostrophe scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val d'Oise.