Saison 2008/2009
- Claire Aveline
Marek Kedzierski - Philippe Ménard
- Serge Hamon
Mariana Araoz - Claude Merlin
- Falk Richter
Anne Monfort - Mariapia Bracchi
- Jamais vu !- Édition 3
Françoise Tartinville
Petra Fornayová
Lenka Bartunkova
Zufit Simon
Jan Komárek
Stefano Mazzotta
Emanuele Sciannamea
Sofia Fitas - Bertrand Sinapi
- Concordan(s)e - Édition 3
Geneviève Sorin
Lulla Chourlin
Susanne Joubert
Carlotta Sagna
Olivia Rosenthal
Nathalie Pernette
Gwenaëlle Stubbe
Philippe Combe
Arnaud Cathrine
Pierre Johann Suc
Pierre Charras
Osman Kassen Khelili
Pascal Morin - Cécile Loyer
DU 5 U 18 JANVIER 2009/ RÉSIDENCE DE CRÉATION
©DR
Claudia Hübschmann
Serge Nail
Laure Wolf
Scénographie
Cécilia Delestre
Création lumière
Cécile Robin
Création son
Baptiste Tanné
Assistanat à la mise en scène
Laura Kröner
Contact diffusion
Jean-Baptiste Pasquier
10 et 13 janvier
Parcours public
Autour de la correspondance d'Antonin Artaud à Anie Besnard, de 1941 à 1947
En collaboration avec Les Correspondances de Manosque
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- NOTHING HURTS
Présentation / Par Anne Monfort
Nothing hurts est une des premières pièces de Falk Richter, qui explore la contamination du langage par les images cinématographiques et audiovisuelles. C’est la suite directe de Tout. En une nuit., sa première pièce, où une femme se projette dans différents films et essaie d’y inventer une vie authentique. Nothing hurts est une sorte de variation autour de l’accident de voiture, alter ego du désir et de son impossible réalisation dans plusieurs films des années 80 comme Crash de Cronenberg et Sailor et Lula de Lynch, deux sources d’inspiration directe de Nothing hurts. Les corps y sont comme des tôles froissées. Prendre quelqu’un dans ses bras est atroce, s’embrasser est horrible. L’autre manque toujours comme une partie de soi-même. Écrit à l’origine pour la chorégraphe Anouk van Dijk, Nothing hurts fait appel à la fragmentation des mots comme à celle des membres. L’amputation du corps se traduit par l’amputation du langage. Plus rien ne fait mal puisque le langage fait totalement défaut. Au-delà des langues, on ne peut que bégayer sa douleur dans des termes d’une terrible banalité. L’identité se fait trouble. Les noms des figures, Sylvana et Bibiana, sont d’ailleurs ceux des actrices qui ont créé le rôle, dessinant davantage des entités, des positionnements de vie, que des personnages proprement dits : Sylvana, performeuse de life art, se projette d’un film à l’autre, d’une expérience extrême à l’autre ; Bibiana, journaliste, essaie de comprendre, d’entrer dans le film. L’expérience du temps est disjointe, comme dans les accidents : la temporalité de l’une ne parvient pas à rejoindre celle de l’autre, le temps amoureux ne coïncide pas. Chacun de nous peine à s’extirper du miroir pour y rencontrer autrui.
Le début / Par Falk Richter
Chez moi, le début c'est le vide et le chaos : un bureau vide, qui se remplit en moins de quelques heures, je ne cesse d'aller à la bibliothèque et d'y prendre et d'y reprendre des livres, une phrase me rappelle soudain une pièce que j'ai lue il y a des années, puis je mets de la musique, j'écoute toujours la même plage, puis arrivent les différents souvenirs que je relie à cette plage, puis j'allume rapidement la télé : ah bon, George W. Bush falsifie le résultat des élections, ah bon, l'industrie pétrolière prépare une guerre en Irak, le territoire est déjà réparti entre les différentes entreprises, oh, Madonna a une nouvelle vidéo : « I'm gonna wake up, yes and no », de belles paroles, bien, très bien, plutôt éteindre le téléphone, ça ne fait que distraire, le journal d'aujourd'hui ? non, je ne préfère pas. Qu'est-ce qu'écrivent les collègues, les suspects habituels : Rainald Goetz, Ravenhill, Caryl Churchil, j'appelle les maisons d'édition, me fais envoyer les derniers textes, ah bon, guerre des images, images de guerre, des esquisses, les premières notes, des petits monologues, regarder beaucoup CNN la nuit et lire, lire, lire, des nuits très blanches, je suis à mon bureau jusqu'à cinq heures du matin, deviens de plus en plus asocial, désagréable, injoignable, plus de coups de fil, les mecs du Schauspielhaus devraient enfin me laisser en paix avec leurs questions stupides quand on va répéter comment où, là, j'ai besoin d'être tranquille, des notes, des montagnes de notes, si on se fiait à mon carnet de notes, j'aurais déjà écrit 27 pièces ce mois-ci. Mais j'interromps tout, pas assez bien. Premières phrases, ou des descriptions pendant des pages entières sur comment il faudrait ébaucher la structure de la pièce, des commandes à moi-même, ou des manifestes fragmentaires : Quelle est l'efficacité du théâtre aujourd'hui, des DVDs : tous les films de Lynch, de la documentation sur les guerres virtuelles du XXIe siècle, des poèmes de Hugo von Hofmansthal, tout ça n'est pas cohérent, ou peut-être si ? et puis un personnage, il y a quelqu'un qui parle, alors le matériau se démultiplie, je jette tout au bas de la table qui a un ordre tellement complexe que je ne m'y retrouve plus, ah, regarde : il y a quatre semaines tu as écrit cette scène, tu l'as interrompue et oubliée. Est-ce qu'elle était bien ? Oui, elle est super bien, super ! vraiment? bien sûr, vraiment ! alors on continue ? alors on re-continue, ou oublie le reste, oui, le reste, tout ce qu'on a écrit depuis quatre semaines, c’était nul quoi, mais cette scène unique, elle était bien, enfin tout à fait correcte, enfin pour un début elle n'était pas si grave, on se parle à soi-même, parce qu'on ne veut infliger à personne d'autre d'écouter tout ça, soudain un geste décidé : tout en bas de la table, ordinateur allumé et là - comme pour ma dernière pièce Electronic City - tout d'un coup toute la pièce est là, en un jour. L'après-midi je commence, à cinq heures du matin je m'effondre épuisé et je suis heureux. Pour deux minutes, et là : la peur : c'était bien ? ou bien j'ai écrit un truc totalement nul ? Plutôt attendre quelques jours et puis reregarder et là commencent le fignolage et la réécriture et ça dure deux mois, en général plus. Et les préparatifs avant que n'arrive la première phrase correcte ? ça dure peut-être six mois. Mais le début c'est toujours la plus belle période, parce que rien n'est encore clair et qu'on espère que son propre cerveau va aller écrire quelque part où il n'est encore jamais allé - et je me réjouis à chaque fois de cet inconnu, ce sont les voyages les plus merveilleux.
Production Théâtre de l'Heure, le Granit-Scène nationale de Belfort
Partenariat Le Colombier (résidence de création)
Soutiens DRAC Franche-Comté et le DICREAM
La traduction a été soutenue par la Maison Antoine Vitez- Centre international de la traduction théâtrale.
PARCOURS PUBLIC / DANS LE CADRE DE LA RÉSIDENCE
Lecture-spectacle / En collaboration avec Les Correspondances de Manosque
L'ORIGINE
Philippe Bertin, photographe, propose de mettre en scène, en images et en musique, une correspondance de sept années, que l'asile et la guerre ont troué et réduit à vingt-quatre lettres.
Il a confié au vidéaste et musicien Nicolas Devos le soin de réaliser en ouverture une projection d'images, reliant ses prises de vue des lieux d'enfermement fréquentés par Antonin Artaud (entre 1937 et 1946) à des photogrammes issus de Faust, film de Murnau - traduction allégorique de ses délires mystico-religieux. Puis il a proposé à la comédienne Laëtitia Angot, d'incarner Anie Besnard pour une lecture, en dialogue avec la violoncelliste Pénélope Michel sur fond d'images fixes. La direction d'acteur est assurée par Anne Monfort et la création musicale par Nicolas Devos.
LE PROJET
Anie Besnard est âgée de quinze ans quand Antonin Artaud lui parle pour la première fois. De l'écrivain à la jeune fille, puis à la femme s'établira une relation privilégiée, une relation secrète. Au regard mystique du poète, Anie Besnard répond par une attitude naturelle et émerveillée. Ils se sont vus, ils ont vécu ensemble, ils se sont écrit beaucoup de lettres que le temps a dispersées. De tout cela, qui est immense, il reste aujourd'hui vingt-quatre lettres manuscrites entre les mains d'Anie Besnard-Faure. Ces lettres ne sont pas inconnues, qui auraient dû le rester, plusieurs figurent déjà dispersées dans les œuvres complètes.
Les réunir fait apparaître enfin l'évidence : qu'elles témoignent, ensemble, par leur tracé presque charnel et par ce qu'elles portent en elles d'absolu et de vérité (et de vérité non littéraire) de ce que fut Antonin Artaud. Ces lettres sont un portrait. Elles soulignent également le rôle si particulier que joue dans l'œuvre du poète l'écriture épistolaire. La lettre est presque toujours chez lui un essai d'écriture, et un essai inabouti. Il le résume lui-même en ces mots : il me manque une concordance des mots avec la minutie de mes états.