DU 15 NOVEMBRE AU 8 DÉCEMBRE 2001 / Création de texte
© Wahib Chehata
Eric Andrieu
Sylvie Beyssen
Gaëlle Jeantet
Yann Siptrott
François Brezot
François Civet
Daniel Rabineau
Création sonore
Conception techique
Thierry Rallet
Lumières
Walter Pace
Vidéo
Gilles Sampieri
Assistante mise en scène
Céline Marguerie
Régie vidéo
Charlotte Cardoso
Sébastien Riou
Costumes-maquillage
Muriel Betrancourt
Images
Wahib Chehata
Assistante scénographe
Oriane Varack
- CHRONIQUES MERCENAIRES
Une belle voix sur les ondes…
Le théâtre antique d'lthaque, un morceau du vieux monde...
Un vieux cratère de pierre sur lequel s'est échoué un missile.
Armés d'antennes et d'écrans,
les protagonistes attendent la guerre...
Ils ont établi leur campement au milieu des vestiges.
Encouragés par les médias, et face à l'ennemi invisible,
Ithaque s'engage dans une course folle
Au centre d'un combat absurde entre une guerre et sa représentation
Le vieux théâtre antique, et le cratère d'un missile...
deux mondes qui s'opposent,
et deviennent pour les personnages le théâtre des opérations
ITHAQUE OU L’ILLUSION D’ITHAQUE / Gilles Sampieri
Ce mythe du fils nous conduit à travers les énigmes du monde contemporain, en plaçant les médias au centre de l'action militaire. Sur le fleuve quelques soldats oubliés de la guerre moderne. Sur les ondes l'hologramme de Natacha et l'ennemi de Carthage. Cette guerre éclair n'est qu'un prétexte extrême où les personnages combattent leur propre image médiatique. Subissant par le danger et l'immatérialité du conflit, une friction insoutenable avec leur condition, insoutenable aussi avec leur époque.
Une époque où la mort est cachée par l'image d'elle-même, et diffusée comme le produit d'une société qui cherche par l'information à répondre à ses refoulements, tout en gardant bonne conscience.
Poursuivant sur les ondes l'acte de représentation, les clichés et les erreurs cachées de son royaume, ce Télémaque d'aujourd'hui subit les guerres cultivées par le monde contemporain, et souvent transmises dans la structure familiale même.
Au milieu d'un spectacle qui additionne les épouvantails aux menaces invisibles, "Chroniques Mercenaires" traite de l'origine des conflits humains en prise avec la force d'abstraction des tragédies modernes.
Production Le Colombier / Cie Langajà Groupement
Co-production KRS.Production
Un spectacle soutenu par la municipalité de bagnolet
LA PRESSE EN PARLE...
FANTASME DE LA GUERRE, GUERRE DES FANTASMES / Par Mathieu Lis
Images déformées par les corps, corps déformés par les images, images-corps, corps-images : le réel et sa représentation sont pris dans le jeu de miroirs d'une infinie réversibilité. Le dispositif scénographique frappe par sa force plastique : un vidéo-projecteur noie la scène sous une nappe d'images dans laquelle les personnages déambulent comme autant de fantômes. Chroniques mercenaires, chroniques d'une guerre imaginaire, la pièce met en scène les personnages homériques, Pénélope et Télémaque, héros d'un conflit médiatique dont l'image est le suprême enjeu, revisitant les mythes antiques pour mieux nous rendre notre propre univers.
Un mercenaire - un conseiller en communication selon une terminologie plus moderne -, arrive à Ithaque pour offrir sa science guerrière à la famille royale, Pénélope et Télémaque, las d'attendre sans fin le retour d'Ulysse, leur époux et père respectif. Sur une vieille radio déglinguée, servie par des techniciens furtifs et anonymes, il hurle des menaces contre l'ennemi, le prince de Carthage. Mais existe-t-il seulement ce grand inquisiteur ? Peu importe, il suffit que les imprécations lancées sur les ondes déclenchent le fantasme de la guerre et alimentent la guerre des fantasmes. Car ce ne sont pas ici des hommes de chair et de sang qui s'affrontent, mais des hologrammes médiatiques hantés par un seul but de guerre, via une enivrante mise en scène de I’image d'eux-mêmes qu'ils rêvent de projeter.
Tout ressemblance avec des situations ou des personnages existants ou ayant existés n'est certes pas fortuite.
Pour autant n'allez pas y chercher une dénonciation naïve des dérives médiatiques. D'ailleurs viendrait-il l‘idée de quiconque de condamner les héros homériques qui, tel Hector, choisissent en dépit des oracles de braver l'ennemi, prêts à sacrifier le sort de leur peuple et la vertu de leurs femmes à leur seule gloire ?
Pour opposer la vérité du réel au mensonge de l'illusion encore faut-il que la réalité garde quelque consistance. Or au royaume d'Ithaque, le monde et son reflet médiatique ne forment qu'un seul et unique continuum, incertain et mouvant. La pièce de Gilles Sampieri l'explore en se gardant de la moralisation d'usage, cherchant plutôt à nous révéler ce que nous sommes peut-être déjà en train de vivre sans nous en douter. La catastrophe a déjà eu lieu et pourtant nous l'attendons encore, écrit en substance le philosophe Jean Baudrillard, non sans jouissance mauvaise, en célébrant l'effacement des choses au profit de leur signe.