DU 5 AU 16 SEPTEMBRE 2000 / Création
Du mardi au samedi à 20h30 / Relâche le lundiValérie MESSMER
Franck LACROIX
Delphine DEMILLY
Delphine FOURCHAUD
Juliette PIEDEVACHE
Frédéric LUTAUD
- CALDERON
“CALDERON” est inspiré de “La vie est un songe” de Calderon de la Barca.
C’est le drame de la mémoire humaine. Le drame de l’interprétation. Le drame du pouvoir —industriel et politique— et des cycles de destruction qu’il engendre.
Ecrite en 1971, cette pièce est visionnaire : toute révolution (ici 1968) est récupérée ou créée par le pouvoir en place. Cette révolution de 68 a permis surtout à une nouvelle forme de consommation de se mettre en place. Pendant que les révolutionnaires font des discours, les industriels agissent…
Mais l’écriture de Pasolini fait entendre que l’Homme n’est pas réductible à des concepts politiques, esthétiques ou économiques. Parce qu’il y a dans l’Homme, dans sa langue, un espace poétique construit comme un rêve : “une force du passé”.
Le devenir petit-bourgeois de l’humanité n’épuise pas l’Humanité.
La Fable
Le destin du corps d’une femme dans le milieu du siècle, entre l’été 1967 et le printemps (mai) 68. Entre communisme, faschisme et révolution.
Face aux idéaux politiques, il y a le corps de Rosaura.
Elle se réveille dans trois milieux sociaux différents. Chaque fois, elle a perdu la mémoire des règles sociales de ce milieu.
Chaque fois, elle a fait un rêve et chaque fois, elle a oublié ce rêve.
Elle se réveille dans un milieu aristocrate-bourgeois, elle ne reconnaît rien de ce monde “de la richesse”.
Elle se réveille prostituée dans un bordel, elle ne reconnaît rien non plus “à toute cette pauvreté”.
Elle se réveille petite-bourgeoise, et pendant quelques instants, elle ne se souvient ni de son mari, ni de ses enfants.
Elle se rendort, se réveille à nouveau et cette fois se souvient de sa condition : oui elle est devenue une petite-bourgeoise.
Mais le rêve qu’elle a fait reste un mystère.
Comme dans un conte pour adultes, plusieurs figures (le père, la mère, le fils, les sœurs, le médecin, le prêtre, le mari, le révolutionnaire) visitent Rosaura pour lui imposer une vision du monde. Chaque vision qui lui est proposée se heurte à ce rêve de Rosaura.
C’est une lutte sur le principe de réalité qui s’engage.
Qui rêve ? Qui est réel ? Qui dit “ceci est un rêve” ou “ceci est réel”?
Qui est simple fantôme, figure du passé qui ressurgit ou démiurge inquiet modifiant le contenu de nos rêves? Qui maquille dans les esprits un crime total par une révolution avortée? Qui organise et renforce l’oubli politique par l’espoir rhétorique révolutionnaire?
Qui parle à Rosaura : un vieux révolutionnaire anti-franquiste ou son père? Un jeune révolté plein de convictions théoriques ou son fils? Un prêtre ou des anges tueurs?
Qui est Rosaura : figure de révolte ou un corps manipulé? Déesse de la Raison ou forme supérieure de l’hystérie? Victime qui attend le regard de son bourreau comme une offrande ou petite-bourgeoise rêvant d’une révolution qui la délivrerait de sa condition ?
La question politique et la question du rêve trouvent dans cette pièce une complicité totale.
Le rêve comme “vérité”, prophétie qui nous met face à notre propre corps et à sa faculté d’oubli radical ou de remémoration infinie.
La politique comme conviction, idéologie qui joue du corps des hommes et de leur faculté de croire.
Le rêve comme source d’interprétation de la réalité : source d’oubli puis source de toute mémoire.
“Le rêve violé par la politique” ou “La politique violée par le rêve” : notre “Grand Théâtre du Monde”