© Irving Penn
Trouver des auteurs qui proposent de nouveaux défis au théâtre. Rencontrer des acteurs, des publics, des lieux qui suscitent de nouvelles possibilités d’écrire. La constitution d’un nouveau répertoire associe l’écriture à ces hypothèses collectives. Des conjonctions entre artistes et spectateurs à provoquer dans cette urgence : la circulation des idées et des actes spontanés, jusqu’aux manifestations subversives. Favorisant ces instants de théâtre improbables, et constitutifs de répertoires futurs.
L’écriture est un acte solitaire. Mais écrire pour le théâtre c’est aussi écrire pour des acteurs, écrire à côté du public. Écrire dans une relation aux « sens » qui prenne en compte la représentation. Pressentir le rythme et les lois mystérieuses nécessaires à l’incarnation d’un texte… Pour restituer la force, l’authenticité des écritures, et identifier de nouveaux langages artistiques à interpréter, il faut créer de nouveaux parcours disponibles à la fois aux idées, aux nouveaux spectateurs, et aux nouvelles nécessités des interprètes. Refaire à l’auteur une place dans le théâtre, et le considérer comme un partenaire qui a besoin d’une expérience du plateau pour comprendre les nouvelles articulations du travail scénique. Une pratique qui envisage aussi son parcours d’écriture, ponctué de retours, d’émulations et d’événements collectifs.
Dans cet agencement particulier de la recherche de nouveaux répertoires, les réseaux de diffusion et de production dédiés à la création sont impliqués dans un mouvement perpétuel. Ils doivent aider à structurer les propositions, être en contact avec leur public et favoriser une inscription des créateurs dans ces processus de visibilité. Mais aujourd’hui la réunion des équipes nécessaires à cette recherche implique des budgets de production que l’on ne peut réunir que très exceptionnellement. Et ces démarches ne pourront bientôt plus s’accomplir sans une reconsidération des véritables enjeux de la culture de proximité. Avec une redéfinition urgente de la place et de la spécificité des processus de recherche dans notre société.
Nous dédions depuis 2000 l’espace du Colombier à l’accueil des premières représentations de metteurs en scène – auteurs, et de chorégraphes. Grâce à l’engagement de plusieurs professionnels et avec le soutien important du public, nous existons. Notre but est toujours de passer des textes à ces moments concrets : remettre en jeu les interrogations des écritures pour la scène avec le public, et de lire ces tentatives comme des champs d’investigation intimes politiques et sociales. L’assemblage de ces réseaux et expériences de plusieurs équipes sous forme de groupement, tend à former de façon autonome une tendance réelle et visible pour le public. C’est le champ qui nous semble le plus urgent à défendre : rester en relation avec le temps particulier et spécifique des écritures nouvelles et de prendre le contre-pied du silence fait sur certains parcours.
Nous croyons indispensable au théâtre de revenir à une visibilité d’auteurs et d’équipes qui cultivent leur liberté de créer et s’investissent dans les manifestations de leur recherche avec des publics émergents. Recréer une place pour un véritable théâtre de création, où la réflexion et le but culturel ne soient pas de recycler, ou de téléguider des pédagogies consensuelles. Accepter de recevoir et de restituer les projets avec leur authenticité, et dans leur temps d’émulation.
Envisager pour le public les provocations, et le retour d’une subversion possible, comme nécessaire au théâtre pour ouvrir de nouvelles forces d’émancipation.
Gilles Sampieri