© Arthur Tress
Sur le trajet des écritures. À la recherche, en quête d'écritures dites impossible aujourd'hui. Impossible parce qu'en avance, en décalage et issues d'un regroupement d'idées contraires aux contraintes que nous pose cette société. Guidés par cette nécessité d'échanger notre représentation sensible et onirique de la vie.
Nous continuerons ces manifestations en permanence, avec ou sans subvention du Ministère. Insubordonnés à la finance des divertissements. Nous continuons à jouer aussi, sans laisser la place au silence du découragement.
Devenir de méchants clowns, voraces, qui forment un tout avec ce qu'ils détruisent ; une arme d'échange, une arme de rire travesti, une secousse pour traverser les névroses de l'autocensure.
Bien sûr le théâtre ne changera pas le monde, mais le monde change le théâtre. Pour rester conscient du langage qu'on emploie pour le décrire. Nous extraire poétiquement du monde, et affirmer cette place de « fou du roi » où nous sommes. Afin de traverser et de planer au-dessus de la fantasmagorie politique, jouer vigoureusement dans l'incapacité, une farce dérangeante et garante de la conférence utopique de notre art.
Nous continuerons à souder et dé-souder les écritures, sous de nouvelles formes, à chaque fois, renouveler nos actions avec les spectateurs, et gérer un espace propice à l'expérimentation théâtrale. Un théâtre d'expérience qui affirme qu'il n'est pas d'art sans risque et sans tentatives d'inventions.
Nouveau type de production, nouveau type de rapport aux publics. Nous ne parlons pas au public comme à une masse d'échange, mais plutôt comme à des partenaires que nous invitons à dynamiser, exacerber la circulation des idées déclanchées par l'acte théâtral. Provocation, choc, scandale. De la fonction principale et fondatrice du théâtre qui n'est pas d'intéresser par une pédagogie consensuelle, mais de faire circuler coûte que coûte les idées entre les hommes d'une manière puissante, avec de violentes réactions poétiques aux aliénations qui les menacent.
Dans un théâtre qui s'embourgeoise. Les artistes de demain risquent de voire l'art se développer vers la reproduction du patrimoine qu'on leur demande de réécrire. Et les budgets de création de s'égarer comme des monuments historiques. Urgence est celle non seulement de réunir une opposition culturelle nécessaire, mais surtout de protéger l'expression des artistes isolés, et la formation des jeunes. Pas seulement pour répondre à une situation politique qui secoue notre pays, mais pour épargner le pillage de notre terrain culturel. Tel est la responsabilité également des entreprises dites de création.
Le Colombier est un atelier d'artistes, et nous ne sommes ni producteurs ni programmateurs. Nous sommes simplement dans l'action nécessaire aujourd'hui à l'indépendance d'un nouveau théâtre public. Dans une intention créative et collective, de prendre en main les premières représentations d'un texte. Un moyen de dire, d'assumer le théâtre comme nous le faisons.
Que puisse se multiplier les lieux d'alternatives, mais surtout les incontournables espaces des créateurs comme contrepoids. Mettre à l'épreuve les habitudes culturelles. La flexibilité synonyme d'invention, surtout d'un souhait, celui de rendre plus légères et nombreuses les structures de travail de proximité, destinées à partager la recherche artistique radicale.
Nous poursuivons ces chemins où chaque auteur, acteur, danseur et spectacteur à la fois, partant d'un désir ou d'une nécessité précise librement sa présence au monde. Radicaliser son outil d'écriture, affirmer les particularités de son style, jusqu'à transformer la scène de ses intuitions. Ce sont ces enjeux sans concession de la culture, qui nous intéressent.
L'homme court, l'homme court. Le théâtre lui se construit lentement. Parfois même absurde cette rythmique théâtrale en rencontre perpétuelle avec l'inattendue.
Être plus intéressé par les choses à découvrir que par les choses connues. Par le lieu du théâtre de recherche, participer et apprendre de ceux qui sont en pleine émulation, dans l'engagement physique qu'appellent ces nouvelles écritures. Et qui en font une vocation avec leur public, dans ce rôle des reconnaissances.
Si la création théâtrale était demain réduite à quelques manifestations consensuelles, et sans effet provocateur pour le pouvoir. Nul ne pourrait remplacer cette force créatrice et subversive du théâtre. Sa faculté de libérer, de mettre en jeu les faces obscures de l'être humain, donc de notre société. Dans les solitudes de la nécessité intime réside notre face cachée. C'est dans cet axe impur et marginal du théâtre, mais bien concret par ses rassemblements autour de la scène, que nous poursuivons, essayant de cerner nos pas intuitifs, nos paris sur l'avenir. Non pas la définition de l'art, mais notre position simple et instantanée, la portée risquée de notre acte artistique.
Il faut écrire, il faut jouer. Il faut créer. Engagés dans la construction de démarches autonomes. Le langage est aussi un territoire. Le monde des mots et du spectacle ont toujours été visé par la propagande. Au théâtre, c'est par son déplacement et sa force d'invention que le langage a pu rester libre. Imaginer, initier et rendre possible. Ensuite, d'autres relais sont nécessaires. Le Colombier n'est qu'une première étape dans le parcours des compagnies, confirmant leur nécessité d'agir et de créer.